Faire face à un contrôle de la DGCRF
Publié dans : Industrie Hôtelière n° 761 – mai 2024
À l’approche des JO, la DGCCRF a décidé de multiplier les contrôles des hôtels tant sur site qu’en ligne. Près de 10 000 établissements, soit plus du double qu’en 2023, vont ainsi être contrôlés par les agents du ministère de l’Économie.
Les avis de clients laissés sur Google ou sur des plateformes vont également être passés au crible de Polygraphe, le logiciel utilisé par l’administration depuis un décret du 1er juin 2023, pour détecter les faux avis. Un contrôle de la DGCCRF peut désorganiser votre activité, car les enquêteurs arrivent toujours au mauvais moment, par exemple lors du check in/out des clients, lorsque vous devez tout faire pour répondre aux demandes de votre clientèle. Si vous êtes en manque de personnel lors du contrôle et que vous êtes bloqués à la réception par un client, cela peut être déstabilisant. En outre, le manque de connaissances par les exploitants d’hôtels et leurs salariés sur ce qu’est un contrôle de la DGCCRF peut les amener à laisser les agents opérer des fouilles ou saisies de documents alors qu’ils n’en auraient pas le droit. Il faut savoir que dans la majorité des hôtels contrôlés (70 %), il y a eu constatation d’une anomalie dont la gravité est variable, donnant lieu à un avertissement, une injonction, une amende administrative. Pour vous permettre de faire face au mieux à un contrôle de la DGCCRF, voici quelques informations sur ce contrôle et quelques conseils à suivre. L’hôtelier peut se voir exposer à deux types d’enquêtes qu’il convient de différencier.
L’enquête « simple » n’a de simple que le nom.
Selon la nature et l’objet de leur enquête, les agents de contrôle disposent de pouvoirs dits « ordinaires » (par exemple : demande de documents, recueil des observations de l’exploitant de l’hôtel ou de ses salariés) ou de pouvoirs nécessitant une autorisation judiciaire préalable (par exemple : fouille, saisie, usage de la force publique). Nous ne traiterons ici que de l’enquête ordinaire ou enquête simple, par opposition à l’enquête lourde.
L’enquête « simple » n’a de simple que le nom et elle est pleine de chausse-trappes pour l’hôtelier. Mais aussi pour l’administration qui doit trouver un délicat équilibre avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut en effet, pour l’administration, prendre garde à ce que l’enquête ne porte pas une atteinte démesurée à la vie privée et aux droits procéduraux de l’entreprise. Les agents peuvent contrôler de manière spontanée un hôtel, par exemple pour vérifier le respect des règles liées à l’information des consommateurs, l’absence de pratiques commerciales déloyales ou trompeuses. Il s’agit là d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas pour autant que les agents arriveront systématiquement à l’impromptu, sans prévenir. Ils le peuvent évidemment mais il est aussi fréquent que leur visite soit annoncée à l’avance par l’envoi d’un courrier, d’un mail ou par téléphone. Les agents peuvent aussi ne décliner leur qualité qu’au moment où ils informent la personne contrôlée de la constatation d’une infraction ou d’un manquement. Normalement les contrôles se déroulent entre 8 h et 20 h, mais pour les hôtels, dès lors qu’ils sont ouverts au public, des contrôles en dehors de ces heures sont théoriquement possibles.
Être informé de l’objet de l’enquête.
La première chose dont vous devez être informés, c’est l’objet de l’enquête. C’est une obligation pour les agents mais pour autant cette règle n’est guère protectrice à votre égard. En effet, il s’agit le plus souvent d’une mention pré-imprimée sur le PV selon laquelle l’objet de l’enquête a été porté à votre connaissance. En outre, la jurisprudence considère, schématiquement, que vous avez été suffisamment informés de l’objet de l’enquête grâce aux questions qui vous ont été posées. Dans l’enquête simple, les agents peuvent exiger la communication de documents de toute nature propre à faciliter l’accomplissement de leur mission. Par exemple, pour la recherche et la constatation des pratiques commerciales trompeuses, les agents habilités peuvent exiger de l’hôtelier la mise à leur disposition ou la communication de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations. L’hôtelier doit donc être en mesure de justifier ce qu’il met en avant. Une ambiguïté peut être répréhensible. Toutefois, les agents ne peuvent que« demander » et « exiger », ils ne peuvent contraindre l’hôtelier ou saisir directement les documents souhaités. Ils ne peuvent donc fouiller l’hôtel ou les bureaux à la recherche de documents. Ce n’est que dans le cadre d’une enquête « lourde » avec une autorisation judiciaire que les agents peuvent rechercher (fouiller)et saisir les documents souhaités. En revanche, et cela peut s’avérer dangereux pour l’hôtelier, les agents peuvent recueillir les observations et déclarations de tout salarié de l’hôtel. Il est donc important de former vos salariés à un contrôle de la DGCCRF. Le secret professionnel n’est pas opposable aux agents et le refus de coopérer serait constitutif du délit d’entrave (par exemple, le fait de ne pas remettre les factures demandées).
Ne pas négliger le procès-verbal.
Si l’hôtelier peut se trouver un peu démuni face à un contrôle, un aspect important à ne pas négliger est le procès-verbal. Il est essentiel de comprendre que le PV peut se révéler votre meilleure arme de défense, car c’est ce document qui servira de base à d’éventuelles poursuites. Mais c’est aussi une arme délicate à manier, car si la jurisprudence décide que les enquêteurs ne peuvent demander que des renseignements factuels et recueillir des déclarations, il n’est pas rare, en pratique, que les hôteliers soient confrontés à un véritable interrogatoire et fournissent des déclarations incriminantes. Il ne faut donc pas hésiter à bien relire le PV avant signature et demander l’ajout de vos observations et réserves. À défaut, la jurisprudence considère que les déclarations contenues dans le PV auront été faites spontanément.
8 Recommandations :
1 Être poli, pas d’agressivité à l’égard des agents de la DGCCRF.
2 Ne pas hésiter à demander aux enquêteurs la durée prévisible de l’enquête, afin que vous puissiez vous organiser.
3 Informer votre avocat ou le juriste de l’entreprise de la présence des enquêteurs avant de répondre aux questions et proposer aux inspecteurs de patienter dans une salle dans l’attente de l’arrivée du responsable, et ce afin de ne pas perturber l’activité de l’hôtel. Les agents ne sont pas obligés d’attendre la venue de votre avocat mais en pratique on constate que c’est le cas. Il est également possible de désigner un représentant de votre hôtel auprès des agents mais ces derniers peuvent néanmoins décider d’interroger d’autres personnes.
4 Faire des déclarations courtes et ne pas donner de détails ou d’informations qui ne sont pas demandés. En effet, parmi les règles essentielles à connaître figure en bonne place le droit de ne pas s’auto-incriminer. En application de ce principe et pour éviter que l’exploitant de l’hôtel ne fournisse des informations non demandées, l’objet de l’enquête doit lui être indiqué précisément.
5 Former votre personnel en amont pour que les déclarations soient strictement limitées à ce qui est nécessaire.
6 Indiquer aux agents que vous souhaitez enregistrer les échanges (par exemple avec votre téléphone). En cas de refus des enquêteurs, faire une réserve dans le PV.
7 Relire attentivement le PV et le rectifier immédiatement si nécessaire (demander des ajouts, faire des réserves). Si par exemple, les agents fouillent l’hôtel et que vous ne faites pas de réserves, cela pourra être considéré comme une approbation de votre part de la mesure.
8 Ne pas adopter d’attitude qui pourrait être constitutive du délit d’entrave, car cela aboutirait surtout à déclencher une enquête lourde. Là aussi, il est nécessaire de se former pour connaître votre marge de manœuvre.
À l’issue du contrôle, selon la terminologie de la DGCCRF, trois suites peuvent être envisagées :
- Une suite pédagogique qui se traduit par un avertissement. Selon la DGCCRF, dans les mois qui suivent cet avertissement, un nouveau contrôle est déclenché.
- Une suite corrective avec une injonction d’adopter dans un certain délai des mesures correctives.
- Une suite répressive pour les infractions les plus graves qui aboutira à une procédure judiciaire devant un tribunal civil ou pénal.